L’expatriation: témoignage

témoignage
Aujourd'hui, je me propose de vous faire part d'un témoignage: il s'agit d'un bilan dressé après vingt années passées à vivre et à travailler à l'étranger et avec un retour, finalement réussi, dans le pays d'origine. Confluence coache les expatriés et vit donc le décalage au quotidien.
En voici un extrait:

Que vous a apporté l'expatriation?

Difficile, dans mon cas, de séparer ce que m’a apporté l’expatriation de ce que m’ont apporté presque vingt années de voyages, d’expérience professionnelle et d’expérience de vie ou de maturité, tout simplement. Mais si j’imagine ce qu’aurait été ma vie sans cette ouverture à l’étranger, l’autre, l’extérieur, je pense que j’aurais couru le risque de m’être enlisée dans des débats sans matière, sans perspective, sans contexte ni recul. C’est d’ailleurs, malheureusement, un peu l’impression que je retire des débats de société en France qui me semblent parfois être des combats d’arrière-garde ou des guerres de clocher (je pense ce qui tourne autour des questions sociales ou culturelles, comme les retraites ou l’immigration ou la place du français dans le monde). Du coup, je perçois la France aujourd’hui comme une société en mal d’idées, plutôt repliée sur elle-même, aux traditions sclérosées et peu perspicace quant à sa vraie place sur la scène internationale… Un modèle usé, perclus de privilèges en quelque sorte et une société au passé certes riche mais au présent vieillot et où les valeurs de respect, d’autonomie et de responsabilité ont peu de place. Voilà un constat peu engageant et je n’en serais sans-doute pas là si je n’avais pas de points de comparaison comme la Grèce, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne où j’ai vécu pendant de longues années. Personnellement, j’estime que ce recul est salutaire et me permet de vivre mieux, avec plus d’idées, de créativité, sans glorifier l’autre ni se flageller, sans arrogance ni misérabilisme. Bref, un bel équilibre au final! Alors oui, l’expatriation m’a apporté plus de sérénité, d’équilibre, un recul salutaire et le plaisir de la découverte en plus ! Quelles ont été les difficultés rencontrées à votre départ, pendant votre séjour, à votre retour? Les difficultés que j’ai rencontrées sont plutôt d’ordre psychologique. Bien-sûr, il y a eu les complications matérielles (les files interminables et l’attitude méprisante des fonctionnaires à qui j’ai eu affaire pour obtenir un permis de séjour en Allemagne, mes pérégrinations de chef d’entreprise en Grèce, seule, femme et étrangère de surcroît, mes déboires plutôt comiques en Catalogne, lorsque je m’évertuais à parler mon catalan de débutante à des andalous qui ne me comprenaient pas etc…) mais ces difficultés existent aussi en France, au retour, lorsque j’ai eu affaire à l’hydrocéphale de l’administration française, digne de l’Union soviétique à ses pires heures. Au fond, le plus dur, ce fut la confrontation de la réalité par rapport à l’image d’Epinal que se font ceux qui sont restés. Je n’en pouvais plus d’entendre que j’avais de la chance, comme si ailleurs tout était plus doré, plus merveilleux. On ne comprenait pas, chez moi, les difficultés d’adaptation que je connaissais dans un environnement totalement… étranger. La difficulté à créer des liens, à s’orienter, à choisir ses amis, ses partenaires, dans un monde où tous les codes sont différents. Une énorme aventure en solitaire, qu’il est presque impossible de relater, de partager. Ceux qui sont restés en France n’ont pas envie d’entendre du négatif (et on les comprend) et ceux du pays d’accueil ne vous ont pas attendue pour vivre, travailler, faire des études où des rencontres. En règle générale, vous êtes étranger et arrivez comme un cheveu sur la soupe. A vous de vous intégrer comme vous le pourrez, en commençant par éviter d’être en porte-à-faux avec les us et coutumes locales… pas évident. Et là-dessus, pas un mot. Des tas de voyageurs ont marqué l’histoire, il existe je ne sais combien de récits de voyage et pourtant, je n’étais pas préparée au décalage culturel. Au besoin d’intégration que j’aurai à combler, je n’étais pas préparée à quitter le confort dont je jouissais chez moi (le confort de la connaissance, des repères), pour me projeter dans une capitale européenne où une jeune étudiante française déracinée n’intéressait, a priori, personne.

Quelles sont les raisons qui vous ont amené à partir?

L’envie de découvrir de nouveaux horizons, la curiosité. Et votre retour en France, positif ou négatif? Positif car il a correspondu à un réel besoin d’ancrage, de ressourcement, de retrouvailles avec mes racines, ma terre, ma langue, mon histoire et mon identité (culturelle et personnelle) et au besoin de transmettre ce patrimoine à mes enfants. Même si la société française me semble fossilisée et l’administration digne d’un régime totalitaire d’un autre temps, même si des valeurs pour moi essentielles n’y sont pas honorées, ça compte peu. Les difficultés matérielles ne m’ont jamais arrêtée et finalement, je suis chez moi.

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